Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/628

Cette page a été validée par deux contributeurs.

La discussion de M. Scholten, relative au texte de Papias, est très-importante. Ç’a été le sort de cet ἀρχαῖος ἀνήρ d’être mal compris, depuis Irénée, qui en fait à tort certainement un auditeur de l’apôtre Jean, jusqu’à Eusèbe, qui suppose à tort aussi qu’il a connu directement Presbyteros Johannes. M. Keim avait déjà montré que le texte de Papias bien entendu prouve plutôt contre que pour le séjour de l’apôtre Jean en Asie. M. Scholten va plus loin ; il conclut du passage en question que même Presbyteros Johannes n’a pas demeuré en Asie. Il croit que ce personnage, distinct pour lui de l’apôtre Jean, demeurait en Palestine et était contemporain de Papias. Nous convenons avec M. Scholten que, si le passage de Papias est correct, il est une objection contre le séjour de l’apôtre en Asie. Mais est-il correct ? Les mots ἢ τί Ἰωάννης ne sont-ils pas une interpolation ? À ceux qui trouveraient ce retranchement arbitraire, je répondrai que, si l’on maintient ἢ τί Ἰωάννης, les mots οἱ τοῦ κυρίου μαθηταί, placés après Ἀριστίων καὶ ὁ πρεσϐύτερος Ἰωάννης, font de la phrase de Papias un ensemble bizarre et incohérent. Ce qui confirme pourtant les doutes de M. Scholten, c’est un passage de Papias cité par Georges Hamartolus[1], et d’après lequel Jean aurait été tué par les Juifs. Cette tradition paraît avoir été créée pour montrer la réalisation d’une parole du Christ (Matth., xx, 23 ; Marc, x, 39) ; elle n’est pas conciliable avec le séjour de Jean à Éphèse, et si Papias l’a vraiment adoptée[2], c’est qu’il n’avait pas la

  1. Publié pour la première fois par M. l’abbé Nolte, dans la Theol. Quartalschrift (journal de théologie catholique de Tubingue), 1862, p. 466. Cf. Holtzmann, Kritik der Eph. und Kol., p. 322 ; Keim, Gesch. Jesu von Nazara. III, p. 44-45, note ; et les nouvelles observations de M. Scholten, Theologisch Tijdschrift (Amsterdam et Leyde), 1872, p. 325 et suiv.
  2. Il reste sur ce point quelque doute. Georges Hamartolus ajoute qu’Origène était également de cet avis ; ce qui est tout à fait faux. Voir