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démontrer que l’apôtre Jean n’a jamais mis les pieds en Asie[1].

L’opuscule de M. Scholten est un vrai chef-d’œuvre d’argumentation et de méthode. L’auteur passe en revue, non-seulement tous les témoignages qu’on allègue pour ou contre la tradition, mais encore tous les écrits où il pourrait et, selon lui, où il devrait en être question. Le savant professeur de Leyde avait été autrefois d’un avis différent. Dans ses longues argumentations contre l’authenticité du quatrième Évangile, il avait fortement insisté sur le passage où Polycrate d’Éphèse, vers la fin du second siècle, présente Jean comme ayant été en Asie une des colonnes du parti juif et quartodéciman. Mais ce n’est pas à un ami de la vérité qu’il en coûte, dans ces difficiles questions, de se modifier et de se réformer.

Les arguments de M. Scholten ne m’ont pas convaincu. Ils ont mis le voyage de Jean en Asie au nombre des faits douteux ; ils ne l’ont pas mis au nombre des faits certainement apocryphes ; je trouve même que les chances de vérité sont encore en faveur de la tradition. Moins probable, selon moi, que le séjour de Pierre à Rome, la thèse du séjour de Jean à Éphèse garde sa vraisemblance, et je pense que, dans plusieurs cas, M. Scholten a fait preuve d’un scepticisme exagéré. Comme je me suis plus d’une fois permis de le dire, un théologien n’est jamais un critique parfait. M. Scholten a l’esprit trop élevé pour se laisser jamais dominer par des vues d’apologétique ou de dogmatique ; mais le théologien est si habitué à subordonner le fait à l’idée, que rarement il se place au simple

  1. De apostel Johannes in Klein-Azië. Leyde, 1871. M. Holtzmann a repris la question dans sa Kritik der Eph. und Kolosserbriefe (Leipzig, 1872), p. 314-324.