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et affirmer que Pierre n’était pas encore venu à Rome quand Paul y fut amené, c’est-à-dire en l’an 61. L’épître de Paul aux Romains, écrite vers l’an 58, ou du moins qui n’a pas pu être écrite plus de deux ans et demi avant l’arrivée de Paul à Rome, est ici un argument très-considérable ; on ne concevrait guère saint Paul écrivant aux fidèles dont saint Pierre était le chef, sans qu’il fît la moindre mention de ce dernier. Ce qui est encore plus démonstratif, c’est le dernier chapitre des Actes des apôtres. Ce chapitre, surtout les versets 17-29, ne se comprennent pas, si Pierre était à Rome quand Paul y arriva. Tenons donc pour absolument certain que Pierre ne vint pas à Rome avant Paul, c’est-à-dire avant l’an 61, à peu près.

Mais n’y vint-il pas après Paul ? Voilà ce que les critiques protestants n’ont jamais réussi à prouver. Non-seulement ce voyage tardif de Pierre à Rome n’offre aucune impossibilité, mais de fortes raisons militent en sa faveur. Je crois que les personnes qui liront notre récit avec suite trouveront que tout s’arrange assez bien dans cette hypothèse. Outre que les témoignages des Pères du iie et du IIIe siècle ne sont pas sans valeur dans la question, voici trois raisonnements dont la force ne me paraît pas à dédaigner.

1o Une chose incontestable, c’est que Pierre est mort martyr. Les témoignages du quatrième Évangile, de Clément Romain, du fragment qu’on appelle Canon de Muratori, de Denys de Corinthe, de Caïus, de Tertullien ne laissent aucun doute à cet égard[1]. Que le quatrième Évangile soit apocryphe, que le xxie chapitre y ait été ajouté postérieurement ; n’importe. Il est clair que nous avons, dans les versets où Jésus annonce à Pierre qu’il mourra du même supplice

  1. Voir ci-dessus, p. 186 et suiv.