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violentes entorses données à la vérité (tout en ce genre est possible), nos Bar-Gioras, nos Jean de Gischala ne deviendront jamais de grands citoyens ; mais on fera leur part, et on verra peut-être que mieux que les gens sensés, ils étaient dans les secrets du destin.

Comment le judaïsme, privé de sa ville sainte et de son temple, va-t-il se transformer ? Comment le talmudisme sortira-t-il de la situation que les événements ont faite à l’Israélite ? C’est ce que nous verrons dans notre cinquième livre. En un sens, après la production du christianisme, le judaïsme n’avait plus de raison d’être. Dès ce moment, l’esprit de vie est sorti de Jérusalem. Israël a tout donné au fils de sa douleur, et s’est épuisé dans cet enfantement. Les élohim qu’on crut entendre murmurer dans le sanctuaire : « Sortons d’ici ! sortons d’ici ! » disaient vrai. La loi des grandes créations est que le créateur expire virtuellement en transmettant l’existence à un autre : après l’inoculation complète de la vie à celui qui doit la continuer, l’initiateur n’est plus qu’une tige sèche, un être exténué. Il est rare cependant que cette sentence de la nature s’accomplisse sur-le-champ. La plante qui a porté sa fleur ne consent pas à mourir pour cela. Le monde est plein de ces squelettes ambulants qui survivent à l’arrêt qui les a