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Gioras, en apparence fléaux de leur patrie, en réalité instruments de son apothéose. Ces zélateurs que Josèphe traite de brigands et d’assassins étaient des politiques du dernier ordre, des militaires peu capables ; mais ils perdirent héroïquement une patrie qui ne pouvait être sauvée. Ils perdirent une ville matérielle ; ils ouvrirent le règne de la Jérusalem spirituelle, assise, en sa désolation, bien plus glorieuse qu’elle ne le fut aux jours d’Hérode et de Salomon.

Que voulaient, en effet, les conservateurs, les sadducéens ? Ils voulaient quelque chose de mesquin : la continuation d’une ville de prêtres, comme Émèse, Tyane ou Comane. Certes, ils ne se trompaient pas, quand ils affirmaient que les soulèvements d’enthousiastes étaient la perte de la nation. La révolution et le messianisme ruinaient l’existence nationale du peuple juif ; mais la révolution et le messianisme étaient bien la vocation de ce peuple, ce par quoi il contribuait à l’œuvre universelle de la civilisation. Nous ne nous trompons pas non plus, quand nous disons à la France : « Renonce à la révolution, ou tu es perdue ; » mais, si l’avenir appartient à quelqu’une des idées qui s’élaborent obscurément au sein du peuple, il se trouvera que la France aura justement sa revanche par ce qui fit en 1870 et en 1871 sa faiblesse et sa misère. À moins de bien