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âge, l’individu, censuré, surveillé par la communauté, redoutera le prône, tremblera devant l’excommunication, et ce sera là un juste retour après l’indifférence morale des sociétés païennes, une protestation contre l’insuffisance des institutions romaines pour améliorer l’individu. C’est certainement un détestable principe que le droit de coercition accordé aux communautés religieuses sur leurs membres ; c’est la pire erreur de croire qu’il y a une religion qui soit exclusivement la bonne, la bonne religion étant pour chaque homme celle qui le rend doux, juste, humble et bienveillant ; mais la question du gouvernement de l’humanité est difficile ; l’idéal est bien haut et la terre est bien bas ; à moins de ne hanter que le désert du philosophe, ce qu’on rencontre à chaque pas, c’est la folie, la sottise et la passion. Les sages antiques ne réussirent à s’attribuer quelque autorité que par des impostures qui, à défaut de la force matérielle, leur donnaient un pouvoir d’imagination. Où en serait la civilisation, si durant des siècles on n’avait cru que le brahmane foudroyait par son regard, si les barbares n’avaient été convaincus des vengeances terribles de saint Martin de Tours ? L’homme a besoin d’une pédagogie morale, pour laquelle les soins de la famille et ceux de l’État ne suffisent pas.