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lypse, Néron a pour le christianisme l’importance d’un second fondateur. Sa face odieuse a été inséparable de celle de Jésus. Grandissant de siècle en siècle, le monstre sorti du cauchemar de l’an 64 est devenu l’épouvantail de la conscience chrétienne, le géant sombre du soir du monde[1]. Un in-folio de 550 pages a été composé sur sa naissance et son éducation, sur ses vices, ses richesses, ses écrins, ses parfums, ses femmes, sa doctrine, ses miracles et ses festins.

L’Antechrist a cessé de nous effrayer, et le livre de Malvenda[2] n’a plus beaucoup de lecteurs. Nous savons que la fin du monde n’est pas aussi proche que le croyaient les illuminés du premier siècle, et que cette fin ne sera pas une catastrophe subite. Elle aura lieu par le froid, dans des milliers de siècles, quand notre système ne réparera plus suffisamment ses pertes, et que la Terre aura usé le trésor de vieux soleil emmagasiné comme une provision de route dans ses profondeurs. Avant cet épuisement du capital planétaire, l’humanité aura-t-elle atteint la science parfaite, qui n’est pas autre chose que le pou-

  1. Aujourd’hui encore, en arménien, le nom de l’Antechrist est Neren. Voir le grand dictionnaire de l’Académie arménienne de Saint-Lazare, au mot Neren.
  2. Th. Malvenda, De Antichristo libri XI (Rome, 1604, in-fol.).