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aide-mémoire où les moins instruits et les moins bien renseignés déposent pour leur usage personnel ce qu’ils savent des actes et des paroles de Jésus[1], qui sont destinés à être la lecture, le charme de l’avenir. Le simple cadre de la vie anecdotique de Jésus valait évidemment mieux pour enchanter le monde que le pénible entassement de symboles des apocalypses et les touchantes exhortations des lettres d’apôtres. Tant il est vrai que Jésus, Jésus seul, eut, dans l’œuvre mystérieuse de la croissance chrétienne, toujours la grande, la triomphante, la décisive part. Chaque livre, chaque institution chrétienne vaut en proportion de ce qu’elle contient de Jésus. Les Évangiles synoptiques, où Jésus est tout, et dont on peut dire en un sens qu’il est le véritable auteur, seront par excellence le livre chrétien, le livre éternel[2].

L’Apocalypse, cependant, occupe dans le canon sacré une place à beaucoup d’égards légitime. Livre de menaces et de terreur, l’Apocalypse donna un corps à la sombre antithèse que la conscience chrétienne, mue par une profonde esthétique, voulut opposer à Jésus. Si l’Évangile est le livre de Jésus, l’Apocalypse est le livre de Néron. Grâce à l’Apoca-

  1. Papias, dans Eusèbe, H. E., III, 39.
  2. La rédaction des Évangiles sera l’objet principal de notre tome V.