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sentiment profond. Le procédé de l’élaboration théologique consistait en une transposition hardie, appliquant au règne du Messie et à Jésus toute phrase des anciens écrits qui paraissait susceptible d’une relation vague avec un idéal obscur. Comme l’exégèse qui présidait à ces combinaisons messianiques était tout à fait médiocre, les formations singulières dont nous parlons impliquaient souvent de graves contresens. Cela se voit surtout dans les passages de l’Apocalypse qui concernent Gog et Magog, si on les compare aux chapitres parallèles d’Ézéchiel. Selon Ézéchiel, Gog, roi de Magog, viendra, « dans la suite du temps[1], » quand le peuple d’Israël sera de retour de la captivité et rétabli en Palestine, lui faire une guerre d’extermination. Déjà, vers l’époque des traducteurs grecs de la Bible et de la composition du livre de Daniel, l’expression qui désigne simplement dans l’hébreu classique un avenir indéterminé signifiait « à la fin des temps », et ne s’appliquait plus qu’aux temps du Messie[2]. L’auteur de l’Apocalypse est amené de la sorte à rapporter les chapitres xxxviii et xxxix d’Ézéchiel aux temps mes-

  1. באחרית הימים, Ézech., xxviii, 8.
  2. V. Gesenius, Thes., au mot אחרית, hebr. et chald. Les juifs du moyen âge appliquent aussi d’ordinaire cette expression aux temps messianiques. Cf. Bereschith rabba, ch. lxxxviii.