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d’où plusieurs conclurent que les destinées de Rome tiraient à leur fin, tout cela dut paraître étonnamment conforme aux sombres prédictions du prophète. Les déceptions ne commencèrent qu’avec la prise de Jérusalem, la destruction du temple, l’affermissement définitif de la dynastie flavienne. Mais la foi religieuse n’est jamais rebutée dans ses espérances ; l’ouvrage, d’ailleurs, était obscur, susceptible en beaucoup d’endroits d’interprétations diverses. Aussi, peu d’années après l’émission du livre, chercha-t-on à plusieurs chapitres un sens différent de celui que l’auteur y avait mis. L’auteur avait annoncé que l’empire romain ne se reconstituerait pas et que le temple de Jérusalem ne serait pas détruit. Il fallut sur ces deux points trouver des échappatoires. Quant à la réapparition de Néron, on n’y renonça pas de sitôt ; sous Trajan encore, des gens du peuple s’obstinaient à croire qu’il reviendrait[1]. Longtemps on garda la notion du chiffre de la Bête ; une variante se répandit même dans les pays occidentaux, pour accommoder ce chiffre aux habitudes latines. Certains exemplaires portaient 616, au lieu de 666[2]. Or 616 répond à la forme latine Nero Cæsar (le noun hébreu valant 50).

  1. Dion Chrysostome, orat. xxi, 10.
  2. Irénée, Adv. hær., V, xxx, 1.