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de lui seul. Ainsi le publiciste qui a composé le livre de Daniel paraît avoir eu quelque vent de la mort d’Antiochus[1]. Notre Voyant semble de même posséder des renseignements particuliers sur l’état politique de son temps. Il est douteux qu’il connaisse Othon ; il croit que la restauration de Néron suivra immédiatement la chute de Galba. Ce dernier se montre à lui comme déjà condamné. On est donc à la veille du retour de la Bête. L’imagination ardente de l’auteur lui ouvre alors un ensemble de vues sur « ce qui doit arriver sous peu[2] », et ainsi se déroulent les chapitres successifs d’un livre prophétique, dont le but est d’éclairer la conscience des fidèles dans la crise que l’on traverse, de leur révéler le sens d’une situation politique qui troublait les plus fermes esprits, et surtout de les rassurer sur le sort de leurs frères déjà tués. Il faut se rappeler, en effet, que les crédules sectaires dont nous cherchons à retrouver les sentiments étaient à

  1. Commodien peut aussi avoir eu connaissance de la défaite et de la mort de Dèce.
  2. Apoc., i, 1 ; xxii, 6. Les juifs du temps étaient très-portés à former de telles conjectures sur la succession des empereurs (τὰ περὶ τοὺς Ῥωμαίων βασιλεῖς ἐσόμενα) et sur ce qui devait arriver à chacun d’eux, conjectures tirées des images terribles de leurs songes, combinées avec des passages de l’Écriture. Le talent d’interpréter ces indices obscurs (τὰ ἀμφιϐόλως ὑπὸ τοῦ θείου λεγόμενα) était fort estimé. C’est ainsi que Josèphe prétendit avoir su d’avance l’avénement des Flavius. Jos., B. J., III, viii, 3.