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les idées messianiques ne préoccupaient autant les esprits. On se livrait à des calculs extravagants[1]. Les paraboles les plus bizarres, provenant de la tradition de Philippe et de Jean, se propageaient. L’Évangile qui se formait de ce côté avait quelque chose de mythique et de singulier[2]. On se figurait, en général, qu’après la résurrection des corps, laquelle était proche, il y aurait un règne corporel[3] du Christ sur le monde, qui durerait mille ans. On décrivait les délices de ce paradis d’une façon toute matérielle ; on mesurait la grosseur des grappes de raisin et la force des épis sous ce règne du Messie[4]. L’idéalisme, qui donnait aux plus naïves paroles de Jésus un velouté si charmant, était perdu pour la plus grande part[5].

  1. Les juifs de certains pays d’Orient, très-préoccupés de messianisme, passent encore leur temps de nos jours à rechercher les signes du Messie dans les événements qui surviennent, et à supputer les jours de sa venue au moyen de folles ghematrioth. Aussi le nombre des imposteurs qui se font passer pour le Messie est-il considérable, surtout dans l’Yémen.
  2. Eusèbe, H. E., III, 39. Παράδοξα, … ξένας παραϐολὰς καὶ διδασκαλίας, … ἄλλα μυθικώτερα.
  3. Σωματικῶς. Eusèbe, impatienté dans son rationalisme hellénique par ce millénarisme effréné, ne veut voir en tout cela que des erreurs personnelles de Papias.
  4. Papias, dans Irénée, V, xxxiii, 3-4 ; Apocalypse de Baruch, dans Ceriani, Monum. sacra et prof., I, p. 80, et V, p. 131-132. Voir Vie de Jésus, 13e édit., intr., p. xlii-xliii, note.
  5. Il est remarquable que, dans les synoptiques (Matth., xx,