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La Gaule elle-même, bien que moins pacifiée que le reste, bornait ses velléités révolutionnaires à renverser les mauvais empereurs, à demander la réforme, à souhaiter l’empire libéral. Mais on conçoit que des gens habitués aux royautés éphémères de l’Orient aient regardé comme fini un empire dont la dynastie venait de s’éteindre, et aient cru que les diverses nations subjuguées depuis un ou deux siècles allaient former des États séparés sous les généraux qui en avaient le commandement. Pendant dix-huit mois, en effet, aucun des chefs de légions révoltées ne réussit à primer ses rivaux d’une manière durable. Jamais le monde n’avait été pris d’un tel tremblement : à Rome, le cauchemar à peine dissipé de Néron ; à Jérusalem, une nation entière à l’état de délire ; les chrétiens sous le coup de l’affreux massacre de l’an 64 ; la terre elle-même en proie aux convulsions les plus violentes : tout le monde avait le vertige. La planète semblait être ébranlée et ne pouvoir plus vivre. L’horrible degré de méchanceté où la société païenne était arrivée, les extravagances de Néron, sa Maison Dorée, son art insensé, ses colosses, ses portraits de plus de cent pieds de haut[1] avaient à la lettre rendu le monde fou. Des

  1. Pline, XXXIV, vii (8) ; XXXV, vii (33) ; Dion Cassius, LXVI, 15.