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plus coupable en tout ceci fut le peuple avide de plaisirs, qui exigeait avant tout que son souverain l’amusât, et aussi le faux goût du temps, qui avait interverti les ordres de grandeur, et donnait trop de prix à la renommée de l’homme de lettres et de l’artiste. Le danger de l’éducation littéraire est d’inspirer un désir immodéré de la gloire, sans donner toujours le sérieux moral qui fixe le sens de la vraie gloire. Il était écrit qu’un naturel vaniteux, subtil, voulant l’immense, l’infini, mais sans nul jugement, ferait un déplorable naufrage. Même ses qualités, telles que son aversion pour la guerre, devinrent funestes, en ne lui laissant de goût que pour des manières de briller qui n’auraient pas dû être les siennes. À moins qu’on ne soit un Marc-Aurèle, il n’est pas bon d’être trop au-dessus des préjugés de sa caste et de son état. Un prince est un militaire ; un grand prince peut et doit protéger les lettres ; il ne doit pas être littérateur. Auguste, Louis XIV, présidant à un brillant développement de l’esprit, sont, après les villes de génie, comme Athènes et Florence, le plus beau spectacle de l’histoire ; Néron, Chilpéric, le roi Louis de Bavière, sont des caricatures. Dans le cas de Néron, l’énormité du pouvoir impérial et la dureté des mœurs romaines firent que la caricature sembla esquissée en traits de sang.