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le bruit du détachement de cavalerie qui vient pour le saisir vivant.


Le pas des lourds chevaux me frappe les oreilles[1],



dit-il. Épaphrodite alors pesa sur le poignard et le lui fit entrer dans la gorge. Le centurion arrive presque au même moment, veut arrêter le sang, cherche à faire croire qu’il vient le sauver. « Trop tard ! » dit le mourant, dont les yeux sortaient de la tête et glaçaient d’horreur. « Voilà où en est la fidélité ! » ajouta-t-il en expirant[2]. Ce fut son meilleur trait comique. Néron laissant tomber une plainte mélancolique sur la méchanceté de son siècle, sur la disparition de la bonne foi et de la vertu !… Applaudissons. Le drame est complet. Une seule fois, nature aux mille visages, tu as su trouver un acteur digne d’un pareil rôle.

Il avait beaucoup tenu à ce qu’on ne livrât pas sa tête aux insultes et qu’on le brûlât tout entier. Ses deux nourrices et Acté, qui l’aimait encore, l’ensevelirent secrètement, en un riche linceul blanc, broché d’or, avec le luxe qu’elles savaient qu’il eût aimé. On mit ses cendres dans le tombeau des Domitius.

  1. Iliade, X, 535.
  2. Suétone, Néron, 40-50 ; Dion Cassius, LXIII, 22-29 ; Zonaras, XI, 13 ; Pline, Hist. nat., XXXVII, ii (10).