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occupent sans cesse l’autorité de leurs récriminations.

Certes, nous voulons croire que, dans cette expérience d’un siècle que firent les Romains et les Juifs pour vivre ensemble, et qui aboutit à un si terrible déchirement, les torts furent réciproques. Plusieurs procurateurs furent de malhonnêtes gens[1] ; d’autres purent être brusques, durs, et se laisser aller à l’impatience contre une religion qui les agaçait et dont ils ne comprenaient pas l’avenir. Il aurait fallu être parfait pour ne pas s’irriter de cet esprit borné, hautain, ennemi de la civilisation grecque et romaine, malveillant pour le reste du genre humain, que les observateurs superficiels tenaient pour l’essence d’un Juif. Que pouvait penser d’ailleurs un administrateur d’administrés toujours occupés à l’accuser auprès de l’empereur et à former des cabales contre lui, même quand il avait parfaitement raison ? Dans cette grande haine qui, depuis plus de deux mille ans, existe entre la race juive et le reste du monde, qui a eu les premiers torts ? Une telle question ne doit pas être posée. En pareille matière, tout est action et réaction, cause et effet. Ces exclusions, ces cadenas du ghetto, ces costumes à part, sont choses injustes ; mais qui les a d’abord voulues ? Ceux qui se

  1. Voir le proverbe juif sur la justice qui se rendait à Césarée. Midrasch Esther, i, init.