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sa lèvre redoutable, son air méchant et bête à la fois de gros poupard niais, béat, bouffi de vanité[1], pendant qu’une musique d’airain[2] vibrait dans l’air, ondulé par une buée de sang. Il raisonnait sans doute en artiste sur l’attitude pudique de ces nouvelles Dircés, et trouva, j’imagine, qu’un certain air de résignation donnait à ces femmes pures, près d’être déchirées, un charme qu’il n’avait pas connu jusque-là.

On se souvint longtemps de cette scène hideuse, et sous Domitien encore, quand on voyait un acteur mis à mort dans son rôle, surtout un Lauréolus, mourant effectivement sur la croix, on pensait aux piacula de l’an 64, on supposait que c’était un incendiaire de la ville de Rome[3]. Les noms de sarmentitii ou sarmentarii (gens sentant le fagot), de semaxii (poteaux de bûcher)[4], le cri populaire : « Les chrétiens aux lions[5] ! » paraissent aussi dater de ce temps. Néron, avec une sorte d’art savant, avait frappé le christianisme naissant d’une empreinte

  1. Voir ses portraits aux musées du Capitole, du Vatican, du Palatin, du Louvre. Cf. Pline, H. N., XI, xxvii (54).
  2. Voir la mosaïque de Nennig.
  3. Martial, Spectac., vii, 10 ; Juvénal, viii, 233-235.
  4. De semaxis, demi-ais, auquel on attachait les malheureux condamnés à être brûlés vifs.
  5. Tertullien, Apol., c. 14, 40.