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Sans avoir contribué en rien à la catastrophe du 19 juillet, les chrétiens pouvaient donc être tenus, si l’on peut s’exprimer ainsi, pour des incendiaires de désir. Dans quatre ans et demi, l’Apocalypse nous offrira un chant sur l’incendie de Rome, auquel probablement l’événement de 64 fournit plus d’un trait. La destruction de Rome par les flammes fut bien un rêve juif et chrétien ; mais ce ne fut qu’un rêve ; les pieux sectaires se contentèrent sûrement de voir en esprit les saints et les anges applaudir du haut du ciel à ce qu’ils regardaient comme une juste expiation[1].

On a peine à croire que l’idée d’accuser les chrétiens de l’incendie du mois de juillet soit venue d’elle-même à Néron. Certes, si le césar eût connu de près les bons frères, il les eût étrangement haïs. Les chrétiens ne pouvaient naturellement comprendre le mérite qu’il y avait à poser ainsi en « jeune premier » sur l’avant-scène de la société de son temps ; or ce qui exaspérait Néron, c’était qu’on méconnût son talent d’artiste et de chef de rôle. Mais Néron ne fit sans doute qu’entendre parler des chrétiens ; il ne se trouva jamais en rapport personnel avec eux. Par qui l’atroce expédient dont il s’agit lui fut-il suggéré ? Il est probable d’abord que de plusieurs

  1. Apoc., xviii.