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il se fût assis fatigué au bord du chemin, et qu’il eût aperçu la vanité des opinions arrêtées. Marc-Aurèle, le représentant le plus glorieux de notre race, ne le cède à personne en vertu, et cependant il ne sut pas ce que c’est que le fanatisme. Cela ne s’est jamais vu en Orient ; notre race seule est capable de réaliser la vertu sans la foi, d’unir le doute à l’espérance. Livrées à l’entraînement terrible de leur tempérament, exemptes des vices délicats de la civilisation grecque et romaine, ces fortes âmes juives étaient comme de puissants ressorts, qui ne se détendaient jamais. Jusqu’au bout sans doute, Paul vit devant lui la couronne impérissable qui lui était préparée, et, comme un coureur, redoubla d’efforts à mesure qu’il approchait du but[1]. Il avait d’ailleurs des instants de consolation. Onésiphore d’Éphèse, étant venu à Rome, le chercha et, sans rougir de sa chaîne, le servit et rafraîchit son cœur[2]. Démas, au contraire, se dégoûta des doctrines absolues de l’apôtre et le quitta[3]. Paul paraît l’avoir toujours traité avec une certaine froideur[4].

  1. II Tim., iv, 6 et suiv. Nous usons de cette épître comme d’une sorte de roman historique, fait avec un sentiment très-juste de la situation de Paul en ses derniers temps.
  2. II Tim., i, 16-18.
  3. II Tim., iv, 9.
  4. Col., iv, 14.