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qu’il a fondées ; il n’est pas comme ces gens qui veulent étendre leur pouvoir sur des pays où ils n’ont pas été de leur propre personne, et qui, après lui avoir cédé, à lui Paul, l’Évangile du prépuce, viennent maintenant cueillir le fruit d’une œuvre qu’ils avaient d’abord combattue. Chacun sur son terrain. Il n’a pas besoin de se parer des travaux d’autrui, ni de se vanter en l’air et sans mesure ; la portion que Dieu lui a départie est assez belle, puisqu’il lui a été donné de porter l’Évangile jusqu’à Corinthe ; et encore espère-t-il aller plus loin. Mais c’est en Dieu seul qu’il faut se glorifier[1].

Cette modestie n’était pas feinte. Mais il est difficile à l’homme d’action d’être modeste ; il risque d’être pris au mot. L’apôtre le plus dégagé de tout égoïsme est sans cesse amené à parler de lui-même. Il s’appelle bien un avorton, le moindre des saints[2], le dernier des apôtres, indigne de ce nom, puisqu’il a persécuté l’Église de Dieu ; mais ne croyez pas pour cela qu’il abdique sa prérogative.

« Ce que je suis, c’est par la grâce de Dieu que je le suis ; mais la grâce de Dieu n’a pas été oisive en moi. Si j’ai travaillé plus que les autres apôtres, ce n’est pas moi qui

  1. II Cor., x ; comp. iii, 1-6.
  2. Ephes., iii, 8.