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ayant faim. Les pauvres étaient couverts de honte ; les riches semblaient insulter par leur abondance à ceux qui n’avaient rien. Le souvenir de Jésus et de la haute signification qu’il avait donnée à ce repas paraissait effacé[1]. L’état corporel de l’Église était, du reste, assez mauvais : il y avait beaucoup de malades et plusieurs étaient morts[2]. Les cas de mort, dans la situation où se trouvaient les esprits, causaient beaucoup de surprise et d’hésitation[3] ; les maladies étaient tenues pour des épreuves ou pour des châtiments[4].

Est-ce à dire que quatre années eussent suffi pour enlever toute sa vertu à l’œuvre de Jésus ? Non certes. Il y avait encore des familles édifiantes, en particulier celle de Stéphanas, qui tout entière s’était vouée au service de l’Église et était un modèle d’activité évangélique[5]. Mais les conditions de la société chrétienne étaient déjà bien changées. La petite Église de saints du dernier jour était jetée dans un monde corrompu, frivole, peu mystique. Il y avait déjà de mauvais chrétiens ! Le temps n’était

  1. I Cor., xi, 20 et suiv. Cf. Jud., 12.
  2. I Cor., xi, 30.
  3. Comp. I Thess., iv, 13 et suiv.
  4. I Cor., v, 5 ; xi, 30-32.
  5. I Cor., xvi, 15-17.