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térieuse et spéciale. Craignant de blesser sans le savoir quelque dieu dont ils ignoraient le nom ou de négliger un dieu puissant, ou bien voulant obtenir une faveur qui pouvait dépendre de certaine divinité qu’ils ne connaissaient pas, ils érigeaient des autels anonymes ou avec les inscriptions susdites. Peut-être aussi ces inscriptions bizarres venaient-elles d’autels primitivement anonymes[1], auxquels, dans une opération générale de recensement, on aura mis une telle épigraphe faute de savoir à qui ils appartenaient. Paul fut très-surpris de ces dédicaces. Les interprétant avec son esprit juif, il leur supposa un sens qu’elles n’avaient pas. Il crut qu’il s’agissait d’un dieu appelé par excellence « le Dieu Inconnu[2] ». Il vit dans ce Dieu Inconnu le dieu des Juifs, le dieu unique, vers lequel le paganisme lui-même aurait eu quelque mystérieuse aspiration[3]. Cette idée était d’autant plus naturelle qu’aux yeux des païens ce qui caractérisait surtout le dieu des Juifs, c’est

  1. Voir le passage de Diogène Laërte, précité.
  2. Saint Justin, Apol. II, 10, paraît faire allusion à la même idée, et il est douteux qu’il la prenne dans les Actes. Cf. Irénée, Adv. hær., I, xx, 3. Si tel avait été le sens, l’inscription eût offert : Θεῷ ἀγνώστῳ, et non Ἀγνώστῳ θεῷ. Cf. saint Jérôme, In Tit., i, 12.
  3. Act., xvii, 27. Comparez Rom., i, 20 et suiv. ; Justin Apol. II, 10.