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été la condition de la prédication évangélique, céda pour quelque temps à une misérable question de personnes. À vrai dire, il est permis de supposer que la rupture eut des raisons plus profondes. C’est un miracle que les prétentions toujours croissantes de Paul, son orgueil, son besoin d’être chef absolu n’eussent pas déjà vingt fois rendu impossibles les rapports de deux hommes dont la situation réciproque était toute changée. Barnabé n’avait pas le génie de Paul ; mais qui peut dire si, dans la vraie hiérarchie des âmes, laquelle se règle par ordre de bonté, il n’occupe pas un rang plus élevé ? Quand on se rappelle ce que Barnabé avait été pour Paul, quand on songe que ce fut lui qui, à Jérusalem, fit taire les défiances assez bien fondées dont le nouveau converti était l’objet, qui alla chercher à Tarse le futur apôtre, encore isolé et incertain sur sa voie, qui l’amena dans le monde jeune et actif d’Antioche, qui le fit apôtre en un mot, on ne peut s’empêcher de voir en cette rupture acceptée pour un motif d’importance secondaire un grand acte d’ingratitude de la part de Paul. Mais les exigences de son œuvre s’imposaient à lui. Quel est l’homme d’action qui une fois en sa vie n’a pas commis un grand crime de cœur !

Les deux apôtres se séparèrent donc. Barnabé, avec Jean-Marc, s’embarqua à Séleucie pour Chy-