Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 3 Saint Paul, Levy, 1869.djvu/181

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à Noé, et qui étaient imposés à tous les prosélytes[1]. L’idée que la vie est dans le sang, que le sang c’est l’âme même, inspirait aux juifs une extrême horreur pour les viandes non saignées. S’en abstenir était pour eux un précepte de religion naturelle[2]. On supposait les démons particulièrement avides de sang, en sorte qu’en mangeant de la viande non saignée, on risquait d’avoir pour compagnon de bouchée un démon[3]. Un homme qui, vers le même temps, écrivit sous le nom usurpé du célèbre moraliste grec Phocylide un petit cours de morale naturelle juive, simplifiée à l’usage des non-juifs[4], s’arrêtait à des solutions analogues. Cet honnête faussaire n’essaye nullement de convertir son lecteur au judaïsme ; il cherche seulement à lui inculquer les « préceptes noachiques » et quelques règles juives bien adoucies sur les viandes et sur le mariage. Les premières de ces règles se réduisent pour lui à des

  1. Talm. de Bab., Sanhédrin, 56 b.
  2. Genèse, ix, 4 ; Lévit., xvii, 14 ; Livre de jubilés, c. 7 (Ewald, Jahrb., années 2 et 3).
  3. Origène, Contre Celse, VIII, 30.
  4. Poema νουθετικόν, vers 139, 145, 147, 148 (Bernays, Ueber das phokyl. Gedicht). La correspondance apocryphe d’Héraclite, composée en grande partie au ier siècle de notre ère, montre par moments une tendance analogue. Cf. J. Bernays, Die heraklitischen Briefe (Berlin, 1869), p. 26 et suiv., 68, 72 et suiv.