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jeu de cette lutte était la conversion du proconsul. On raconta que, dans une discussion publique, Paul, pour réduire son adversaire, fut obligé de le frapper d’une cécité temporaire, et que le proconsul, ému de ce prodige, se convertit.

La conversion d’un Romain de cet ordre, à cette époque, est chose absolument inadmissible[1]. Paul prit sans doute pour de la foi les marques d’intérêt que lui donna Sergius ; peut-être même prit-il de l’ironie pour de la bonté. Les Orientaux ne comprennent pas l’ironie. Leur maxime, d’ailleurs, est que celui qui n’est pas contre eux est pour eux. La curiosité témoignée par Sergius Paulus aura passé aux yeux des missionnaires pour une disposition favorable[2]. Comme

  1. Un proconsul était un personnage très-considérable, et il est probable que, si un tel fait s’était produit, nous le saurions par les historiens romains, comme cela a lieu pour Pomponia Græcina, Flavius Clemens et Flavia Domitilla. L’auteur des Actes a été ici égaré par son idée de convertir le plus possible de païens, par le plaisir de montrer les magistrats romains favorables au culte nouveau, et par le désir de poser tout d’abord saint Paul en apôtre des gentils. Ailleurs encore, nous verrons percer chez le narrateur des Actes ce naïf sentiment qui rend l’homme du peuple fier d’avoir eu des rapports avec les hommes célèbres ou importants. Il semble qu’il voulût répondre à des adversaires qui soutenaient que les chrétiens étaient tous des gens de bas étage, sans accointances et sans aveu.
  2. Comparez Act., xxv, 22 et suiv.