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réaliser le beau, en dehors de toute politique, leur est étrangère. Entre nous et de telles personnes, les malentendus sont inévitables. « Ces gens-là, comme disait un philosophe grec, prennent avec leur main gauche ce que nous leur donnons avec notre main droite. » Une foule de lettres dictées par un sentiment honnête, que j’ai reçues, se résument ainsi : « Qu’avez-vous donc voulu ? Quel but vous êtes-vous proposé ? » Eh ! mon Dieu ! le même qu’on se propose en écrivant toute histoire. Si je disposais de plusieurs vies, j’emploierais l’une à écrire une histoire d’Alexandre, une autre à écrire une histoire d’Athènes, une troisième à écrire soit une histoire de la Révolution française, soit une histoire de l’ordre de Saint-François. Quel but me proposerais-je en écrivant ces ouvrages ? Un seul : trouver le vrai et le faire vivre, travailler à ce que les grandes choses du passé soient connues avec le plus d’exactitude possible et exposées d’une façon digne d’elles. La pensée d’ébranler la foi de personne est à mille lieues de moi. Ces œuvres doivent être exécutées avec une suprême indifférence, comme si l’on écrivait pour une planète déserte. Toute concession aux scrupules d’un ordre inférieur est un manquement au culte de l’art et de la vérité. Qui ne voit que l’absence de prosélytisme est la qualité et