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qu’Auguste eut mis fin aux luttes politiques. Culte universel, comme l’islamisme, le christianisme sera au fond l’ennemi des nationalités. Il faudra bien des siècles et bien des schismes pour qu’on arrive à former des Églises nationales avec une religion qui fut d’abord la négation de toute patrie terrestre, qui naquit à une époque où il n’y avait plus au monde de cité ni de citoyens, et que les vieilles républiques, roides et fortes, d’Italie et de Grèce eussent sûrement expulsée comme un poison mortel pour l’État.

Et ce fut là une des causes de grandeur du culte nouveau. L’humanité est chose diverse, changeante, tiraillée par des désirs contradictoires. Grande est la patrie, et saints sont les héros de Marathon, des Thermopyles, de Valmy et de Fleurus. La patrie, cependant, n’est pas tout ici-bas. On est homme et fils de Dieu, avant d’être Français ou Allemand. Le royaume de Dieu, rêve éternel qu’on n’arrachera pas du cœur de l’homme, est la protestation contre ce que le patriotisme a de trop exclusif. La pensée d’une organisation de l’humanité en vue de son plus grand bonheur et de son amélioration morale est chrétienne et légitime. L’État ne sait et ne peut savoir qu’une seule chose, organiser l’égoïsme. Cela n’est pas indifférent ; car l’égoïsme est le plus puissant et le plus saisissable des mobiles humains. Mais