Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/415

Cette page a été validée par deux contributeurs.

En somme, le milieu du premier siècle est une des époques les plus mauvaises de l’histoire ancienne. La société grecque et romaine s’y montre en décadence sur ce qui précède et fort arriérée à l’égard de ce qui suit. Mais la grandeur de la crise décelait bien quelque formation étrange et secrète. La vie semblait avoir perdu ses mobiles ; les suicides se multipliaient[1]. Jamais siècle n’avait offert une telle lutte entre le bien et le mal. Le mal, c’était un despotisme redoutable, mettant le monde entre les mains d’hommes atroces et de fous ; c’était la corruption de mœurs, qui résultait de l’introduction à Rome des vices de l’Orient ; c’était l’absence d’une bonne religion et d’une sérieuse instruction publique. Le bien, c’était, d’une part, la philosophie, combattant à poitrine découverte contre les tyrans, défiant les monstres, trois ou quatre fois proscrite en un demi-siècle (sous Néron, sous Vespasien, sous Domitien)[2] ; c’étaient, d’une autre part, les efforts de la vertu populaire, ces légitimes aspirations à un meilleur état religieux, cette tendance vers les confréries, vers les cultes monothéistes, cette réhabilitation du

  1. Sénèque, Epist., xii, xxiv, lxx ; Inscription de Lanuvium, 2e col., lignes 5-6 ; Orelli, 4404.
  2. Dion Cassius, LXVI, 13 ; LXVII, 13 ; Suétone, Domit., 10 ; Tacite, Agricola, 2, 45 ; Pline, Epist., III, 11 : Philostrate, Vie