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de mots applaudis dont elle était semée. Le grand principe qu’en fait d’art tout doit servir à l’ornement, mais que tout ce qui est mis exprès pour l’ornement est mauvais, ce principe, dis-je, était profondément oublié. Le temps était, si l’on veut, très-littéraire. On ne parlait que d’éloquence, de bon style, et au fond presque tout le monde écrivait mal ; il n’y avait pas un seul orateur ; car le bon orateur, le bon écrivain sont gens qui ne font métier ni de l’un ni de l’autre. Au théâtre, l’acteur principal absorbait l’attention ; on supprimait les pièces pour ne réciter que les morceaux d’éclat, les cantica. L’esprit de la littérature était un « dilettantisme » niais, qui gagnait jusqu’aux empereurs, une sotte vanité qui portait chacun à prouver qu’il avait de l’esprit. De là une extrême fadeur, d’interminables « Théséides », des drames faits pour être lus en coterie, toute une banalité poétique qu’on ne peut comparer qu’aux épopées et aux tragédies classiques d’il y a soixante ans.

Le stoïcisme lui-même ne put échapper à ce défaut, ou du moins ne sut pas, avant Épictète et Marc-Aurèle, trouver une belle forme pour revêtir ses doctrines. Ce sont des monuments vraiment étranges que ces tragédies de Sénèque, où les plus hauts sentiments sont exprimés sur le ton d’un