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le cloaque où bouillonnaient tous les vices. Pendant que les premiers rangs applaudissaient, souvent aux gradins les plus élevés se faisaient jour la répulsion et l’horreur. Les spectacles de gladiateurs ne s’établirent qu’avec peine dans les provinces. Les pays helléniques, du moins, les réprouvèrent, et s’en tinrent le plus souvent aux anciens exercices grecs[1]. Les jeux sanglants gardèrent toujours en Orient une marque d’origine romaine très-prononcée[2]. Les Athéniens, par émulation contre ceux de Corinthe[3], ayant un jour délibéré d’imiter ces jeux barbares, un philosophe se leva, dit-on, et fit une motion pour qu’on renversât préalablement l’autel de la Pitié[4]. L’horreur du théâtre, du stade, du gymnase, c’est-à-dire des lieux publics, de ce qui constituait essentiellement une ville grecque ou romaine, fut ainsi l’un des sentiments les plus profonds des chrétiens, et l’un de ceux qui eurent le plus de conséquence. La civilisation ancienne était une civilisation publique ; les choses s’y passaient en plein air, devant les citoyens assemblés ; c’était l’inverse de nos sociétés, où la vie est toute

  1. Corpus inscr. græc, no 2758.
  2. Ibid., no 2194 b, 2511, 2759 b.
  3. Il faut se rappeler que la Corinthe de l’époque romaine était une colonie d’étrangers, formée sur l’emplacement de la vieille ville par César et par Auguste.
  4. Lucien, Demonax, 57.