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nous parlons au xviiie siècle, époque que l’on croirait tout à fait corrompue si on la jugeait par les mémoires, la littérature manuscrite, les collections d’anecdotes du temps, et où cependant certaines maisons gardaient une si grande austérité de mœurs[1].

La philosophie avait fait alliance avec les honnêtes familles romaines et résistait noblement. L’école stoïcienne produisait les grands caractères de Crémutius Gordus, de Thraséas, d’Arria, d’Helvidius Priscus, d’Annæus Cornutus, de Musonius Rufus, maîtres admirables d’aristocratique vertu. La roideur et les exagérations de cette école venaient de l’horrible cruauté du gouvernement des Césars. La pensée perpétuelle de l’homme de bien était de s’endurcir aux supplices et de se préparer à la mort[2]. Lucain, avec mauvais goût, Perse, avec un talent supérieur, exprimaient les plus hauts sentiments d’une grande âme. Sénèque le Philosophe, Pline l’Ancien, Papirius Fabianus, maintenaient une tradition élevée de science et de philosophie. Tout ne pliait

  1. L’opinion beaucoup trop sévère de saint Paul (Rom., i, 24 et suiv.) s’explique de la même manière. Saint Paul ne connaissait pas la haute société romaine. Ce sont là, d’ailleurs, de ces invectives comme en font les prédicateurs, et qu’il ne faut jamais prendre à la lettre.
  2. Sénèque, Epist., xii, xxiv, xxvi, lviii, lxx ; De ira, III, 15 ; De tranquillitate animi, 10.