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entre les deux Églises. Jérusalem resta la ville des pauvres de Dieu, des ebionim, des bons rêveurs galiléens, ivres et comme étourdis des promesses du royaume des cieux[1]. Antioche, presque étrangère à la parole de Jésus, qu’elle n’avait pas entendue, fut l’Église de l’action, du progrès. Antioche fut la ville de Paul ; Jérusalem, la ville du vieux collège apostolique, enseveli dans ses songes, impuissant en face des problèmes nouveaux qui s’ouvraient, mais ébloui de son incomparable privilège, et riche de ses inappréciables souvenirs.

Une circonstance justement mit bientôt tous ces traits en lumière. L’imprévoyance était telle dans cette pauvre Église famélique de Jérusalem, que le moindre accident mettait la communauté aux abois. Or, dans un pays où l’organisation économique était nulle, où le commerce avait peu de développement et où les sources du bien-être étaient médiocres, les famines ne pouvaient manquer d’arriver. Il y en eut une terrible la quatrième année du règne de Claude, l’an 44[2], Quand les symptômes s’en firent sen-

  1. Jac., ii, 5 et suiv.
  2. Act., xi, 28 ; Jos., Ant., XX, ii, 6 ; v, 2 ; Eusèbe, Hist. eccl., II, 8 et 12. Comp. Act., xii, 20 ; Tac. Ann., XII, 43 ; Suétone, Claude, 18 ; Dion Cassius, LX, 11 ; Aurélius Victor, Caes., 4 ; Eusèbe, Chron., années 43 et suiv. Le règne de Claude fut affligé presque chaque année par des famines partielles de l’Empire.