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Mais des esprits possédés d’une flamme si vive ne pouvaient s’en tenir à ces chimères d’une exubérante piété. On se tourna vite vers l’action. L’idée de grandes missions destinées à convertir les païens, en commençant par l’Asie Mineure, s’empara de toutes les têtes. Une pareille idée, fût-elle née à Jérusalem, n’aurait pu s’y réaliser. L’Église de Jérusalem était dénuée de ressources pécuniaires. Un grand établissement de propagande exige une certaine mise de fonds. Or, toute la caisse commune de Jérusalem allait à nourrir les bons pauvres, et parfois n’y suffisait pas. De toutes les parties du monde, il fallait envoyer des secours pour que ces nobles mendiants ne mourussent pas de faim[1]. Le communisme avait créé à Jérusalem une misère irrémédiable et une complète incapacité pour les grandes entreprises. L’Église d’Antioche était exempte d’un tel fléau. Les Juifs, dans ces villes profanes, étaient arrivés à l’aisance, parfois à de grandes fortunes[2] ; les fidèles entraient dans l’Église avec un avoir assez considérable. Ce fut Antioche qui fournit les capitaux de la fondation du christianisme. On conçoit la totale différence de mœurs et d’esprit que cette circonstance à elle seule dut établir

  1. Act., xi, 29 ; xxiv, 17 ; Gal., ii, 10 ; Rom., xv, 26 ; I Cor., xvi, 1 ; II Cor., viii, 4, 14 ; ix, 1, 12.
  2. Jos., Ant., XVIII, vi, 3, 4 ; XX, v, 2.