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car le nom est le signe définitif de l’existence. C’est par le nom qu’un être individuel ou collectif devient lui-même et sort d’un autre. La formation du mot « chrétien » marque ainsi la date précise où l’Église de Jésus se sépara du judaïsme. Longtemps encore on confondra les deux religions ; mais cette confusion n’aura lieu que dans les pays où la croissance du christianisme est, si j’ose le dire, arriérée. La secte, du reste, accepta vite l’appellation qu’on avait faite pour elle et la considéra comme un titre d’honneur[1]. Quand on songe que, dix ans après la mort de Jésus, sa religion a déjà un nom en langue grecque et en langue latine dans la capitale de la Syrie, on s’étonne des progrès accomplis en si peu de temps. Le christianisme est complètement détaché du sein de sa mère ; la vraie pensée de Jésus a triomphé de l’indécision de ses premiers disciples ; l’Église de Jérusalem est dépassée ; l’araméen, la langue de Jésus, est inconnue à une partie de son école ; le christianisme parle grec ; il est lancé définitivement dans le grand tourbillon du monde grec et romain, d’où il ne sortira plus.

L’activité, la fièvre d’idées qui se produisait dans cette jeune Église dut être quelque chose d’extraordinaire. Les grandes manifestations « spirites » y

  1. I Petri, iv, 16 ; Jac., ii, 7.