Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/160

Cette page a été validée par deux contributeurs.

livrée au pouvoir du mal[1], ne fût perdue. Satan était considéré comme l’auteur des maladies ; lui livrer le membre gangrené, c’était livrer celui-ci à l’exécuteur naturel de la sentence. Une mort prématurée était tenue d’ordinaire pour le résultat d’un de ces arrêts occultes, qui, selon la forte expression hébraïque, « extirpait une âme d’Israël[2] ». Les apôtres se croyaient investis de droits surnaturels. En prononçant de telles condamnations, ils pensaient que leurs anathèmes ne pouvaient manquer d’être suivis d’effet.

L’impression terrible que faisaient les excommunications, et la haine de tous les confrères contre les membres ainsi retranchés, pouvaient en effet, dans beaucoup de cas, amener la mort, ou du moins forcer le coupable à s’expatrier. La même équivoque terrible se retrouvait dans l’ancienne Loi. « L’extirpation » impliquait à la fois la mort, l’expulsion de la communauté, l’exil, un trépas solitaire et mystérieux[3]. Tuer l’apostat, le blasphémateur, frapper le corps pour sauver l’âme, devait paraître tout légi-

  1. I Tim., i, 20.
  2. Gen., xvii, 14 et autres passages nombreux dans le code mosaïque ; Mischna, Kerithouth, i, 1 ; Talmud de Bab., Moëd katon, 28 a. Comparez Tertullien, De anima, 57.
  3. Voir les dictionnaires hébreux et rabbiniques, au mot כרת. Comparer le mot exterminare.