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moyen si cher aux anciennes républiques, qui ne s’y retrouve parfois[1]. Moins âpre pourtant et moins soupçonneuse que les anciennes cités, l’Église déléguait volontiers son autorité ; comme toute société théocratique, elle tendait à abdiquer entre les mains d’un clergé, et il était facile de prévoir qu’un ou deux siècles ne s’écouleraient pas avant que toute cette démocratie tournât à l’oligarchie.

Le pouvoir qu’on prêtait à l’Église réunie et à ses chefs était énorme. L’Église conférait toute mission, se guidant uniquement dans ses choix sur des signes donnés par l’Esprit[2]. Son autorité allait jusqu’à décréter la mort. On racontait qu’à la voix de Pierre, des délinquants étaient tombés à la renverse et avaient expiré sur-le-champ[3]. Saint Paul, un peu plus tard, ne craint pas, en excommuniant un incestueux, « de le livrer à Satan pour la mort de sa chair, afin que son esprit soit sauvé au grand jour du Seigneur[4] ». L’excommunication était tenue pour l’équivalent d’une sentence de mort. On ne doutait pas qu’une personne que les apôtres ou les chefs d’Église avaient retranchée du corps des saints et

  1. Act., i, 26. V. ci-dessous, p. 353.
  2. Act., xiii, 1 et suiv. ; Clém. d’Alex., dans Eusèbe, H. E., III, 23.
  3. Act., v, 1-11.
  4. I Cor., v, 1 et suiv.