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dès lors fut compté au nombre des Douze. Mais ce fut le seul exemple d’un tel remplacement. Les apôtres furent conçus désormais comme nommés une fois pour toutes par Jésus et ne devant pas avoir de successeurs. Le danger d’un collège permanent, gardant pour lui toute la vie et toute la force de l’association, fut écarté, pour un temps, avec un instinct profond. La concentration de l’Église en une oligarchie ne vint que bien plus tard.

Il faut se prémunir, du reste, contre les malentendus que ce nom d’« apôtre » peut provoquer et auxquels il n’a pas manqué de donner lieu. Dès une époque fort ancienne, on fut amené par quelques passages des Évangiles, et surtout par l’analogie de la vie de saint Paul, à concevoir les apôtres comme des missionnaires essentiellement voyageurs, se partageant en quelque sorte le monde d’avance, et parcourant en conquérants tous les royaumes de la terre[1]. Un cycle de légendes se forma sur cette donnée et s’imposa à l’histoire ecclésiastique[2]. Rien de plus contraire à la vérité[3]. Le corps des Douze fut d’habitude en permanence à Jérusalem ; jusqu’à l’an 60 à peu près, les apôtres ne sortirent de la ville sainte que pour des missions

  1. Justin, Apol. I, 39, 50.
  2. Pseudo-Abdias, etc.
  3. Comparez I Cor., xv, 10 et Rom., xv, 49.