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années resta comme celui d’un paradis terrestre, que le christianisme poursuivra désormais dans tous ses rêves, et où il essayera vainement de revenir. Qui ne voit, en effet, qu’une telle organisation ne pouvait s’appliquer qu’à une très-petite Église ? Mais, plus tard, la vie monastique reprendra pour son compte cet idéal primitif, que l’Église universelle ne songera guère à réaliser.

Que l’auteur des Actes, à qui nous devons le tableau de cette première chrétienté de Jérusalem, ait un peu forcé les couleurs, et en particulier exagéré la communauté de biens qui y régnait, cela est possible assurément. L’auteur des Actes est le même que l’auteur du troisième Évangile, qui, dans la vie de Jésus, a l’habitude de transformer les faits selon ses théories[1], et chez lequel la tendance aux doctrines de l’ébionisme[2], c’est-à-dire de l’absolue pauvreté, est souvent très-sensible. Néanmoins, le récit des Actes ne peut être ici dénué de quelque fondement. Quand même Jésus n’aurait prononcé aucun des axiomes communistes qu’on lit dans le troisième Évangile, il est certain que le renoncement aux biens de ce monde et l’aumône poussée jusqu’à se dépouil-

  1. Voir Vie de Jésus, p. xxxix et suiv.
  2. Ebionim veut dire « pauvres ». Voir Vie de Jésus, p. 182-183.