Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 2 Les Apotres, Levy, 1866.djvu/146

Cette page a été validée par deux contributeurs.

délicates, surtout les femmes, puisent dans la divine faculté de pouvoir pleurer beaucoup. C’est leur prière, à elles, et sûrement la plus sainte des prières. Il faut descendre jusqu’en plein moyen âge, à cette piété toute trempée de pleurs des saint Bruno, des saint Bernard, des saint François d’Assise, pour retrouver les chastes mélancolies de ces premiers jours, où l’on sema vraiment dans les larmes pour moissonner dans la joie. Pleurer devint un acte pieux ; ceux qui ne savaient ni prêcher, ni parler les langues, ni faire des miracles, pleuraient. On pleurait en priant, en prêchant, en avertissant[1] ; c’était l’avènement du règne des pleurs. On eût dit que les âmes se fondaient et voulaient, en l’absence d’un langage qui pût rendre leurs sentiments, se répandre au dehors par une expression vive et abrégée de tout leur être intérieur.

  1. Act., xx, 19, 31 ; Rom., viii, 23, 26.