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rapport continuel avec Dieu. Ce qu’on appelait « la tristesse selon Dieu[1] » passait pour un don céleste. Toute la doctrine des Pères de la vie spirituelle, des Jean Climaque, des Basile, des Nil, des Arsène, tous les secrets du grand art de la vie intérieure, une des créations les plus glorieuses du christianisme, étaient en germe dans l’étrange état d’âme que traversèrent, en leurs mois d’attente extatique, ces ancêtres illustres de tous les « hommes de désirs ». Leur état moral était étrange ; ils vivaient dans le surnaturel. Ils n’agissaient que par visions ; les rêves, les circonstances les plus insignifiantes leur semblaient des avertissements du ciel[2].

Sous le nom de dons du Saint-Esprit se cachaient ainsi les plus rares et les plus exquises effusions de l’âme, amour, piété, crainte respectueuse, soupirs sans objet, langueurs subites, tendresses spontanées. Tout ce qui naît de bon en l’homme, sans que l’homme y ait part, fut attribué à un souffle d’en haut. Les larmes surtout étaient tenues pour une faveur céleste. Ce don charmant, privilège des seules âmes très-bonnes et très-pures, se produisait avec des douceurs infinies. On sait quelle force les natures

  1. II Cor., vii, 10.
  2. Act., viii, 26 et suiv. ; x entier ; xvi, 6, 7, 9 et suiv. Comparez Luc, ii, 27, etc.