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étaient convertis par là[1]. Jusqu’au iiie siècle, la « glossolalie » se manifesta d’une manière analogue à ce que décrit saint Paul, et fut considérée comme un miracle permanent[2]. Quelques-uns des mots sublimes du christianisme sont sortis de ces soupirs entrecoupés. L’effet général était touchant et pénétrant. Cette façon de mettre en commun ses inspirations et de les livrer à l’interprétation de la communauté devait établir entre les fidèles un lien profond de fraternité.

Comme tous les mystiques, les nouveaux sectaires menaient une vie de jeûne et d’austérité[3]. Comme la plupart des Orientaux, ils mangeaient peu, ce qui contribuait à les maintenir dans l’exaltation. La sobriété du Syrien, cause de sa faiblesse physique, le met dans un état perpétuel de fièvre et de susceptibilité nerveuse. Nos grands efforts continus de tête sont impossibles avec un tel régime. Mais cette débilité cérébrale et musculaire amène, sans cause apparente, de vives alternatives de tristesse et de joie, qui mettent l’âme en

  1. I Cor., xiv, 22. Πνεῦμα, dans les épîtres de saint Paul, est souvent rapproché de δύναμις. Les phénomènes spirites sont regardés comme des δυνάμεις, c’est-à-dire des miracles.
  2. Irénée, Adv. hær., V, vi, 1 ; Tertullien, Adv. Marcion., V, 8 ; Constit. apost., VIII, 1.
  3. Luc, ii, 37 ; II Cor., vi, 5 ; xi, 27.