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dans les langues anciennes un instrument approprié à ses besoins, les a brisées. Mais, en attendant que la religion nouvelle se formât un idiome à son usage, il y eut des siècles d’efforts obscurs et comme de vagissement. Le style de saint Paul, et en général des écrivains du Nouveau Testament, qu’est-il, à sa manière, si ce n’est l’improvisation étouffée, haletante, informe, du « glossolale » ? La langue leur faisait défaut. Comme les prophètes, ils débutaient par l’a a a de l’enfant[1]. Ils ne savaient point parler. Le grec et le sémitique les trahissaient également. De là cette énorme violence que le christianisme naissant fit au langage. On dirait un bègue dans la bouche duquel les sons s’étouffent, se heurtent, et aboutissent à une pantomime confuse, mais souverainement expressive.

Tout cela était bien loin du sentiment de Jésus ; mais pour des esprits pénétrés de la croyance au surnaturel, ces phénomènes avaient une grande importance. Le don des langues, en particulier, était considéré comme un signe essentiel de la religion nouvelle et comme une preuve de sa vérité[2]. En tout cas, il en résultait de grands fruits d’édification. Plusieurs païens

  1. Jérémie, i, 6.
  2. Marc, xvi, 17.