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[1], ou même la langue des anges[2]. Ces scènes bizarres, qui amenèrent des abus, ne devinrent habituelles que plus tard[3]. Mais il est probable que, dès les premières années du christianisme, elles se produisirent. Les visions des anciens prophètes avaient souvent été accompagnées de phénomènes d’excitation nerveuse[4]. L’état dithyrambique des Grecs entraînait des faits du même genre ; la Pythie se servait de préférence de ces mots étrangers ou tombés en désuétude qu’on appelait, comme dans le phénomène apostolique, glosses[5]. Beaucoup des mots de passe du christianisme primitif, lesquels sont justement bilingues ou formés par anagrammes, tels que Abba pater, Anathema Maranatha[6], étaient peut-être sortis de ces accès bizarres, entremêlés de soupirs[7], de gémis-

  1. Marc, xvi, 17. Il faut se rappeler que, dans l’ancien hébreu, comme du reste dans toutes les langues anciennes (voir mon Orig. du langage, p. 177 et suiv.), les mots désignant « étranger », « langue étrangère », venaient de mots qui signifiaient « bégayer », « balbutier », un idiome inconnu se présentant toujours aux peuples naïfs comme un bégayement indistinct. V. Isaïe, xxviii, 11 ; xxxiii, 19 ; I Cor., xiv, 21.
  2. I Cor., xiii, 1, en tenant compte de ce qui précède.
  3. I Cor., xii, 28, 30 ; xiv, 2 et suiv.
  4. I Sam., xix, 23 et suiv.
  5. Plutarque, De Pythiæ oraculis, 24. Comparez la prédiction de Cassandre dans l’Agamemnon d’Eschyle.
  6. I Cor., xii, 3 ; xvi, 22 ; Rom., viii, 15.
  7. Rom., viii, 23, 26, 27.