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avenue[1]. Jamais une difficulté matérielle n’empêche un sentiment de se développer et de créer les fictions dont il a besoin[2], Dans l’histoire récente du miracle de la Salette, l’erreur a été démontrée jusqu’à l’évidence[3] ; cela n’empêche pas la basilique de s’élever et la foi d’accourir.

  1. Cela s’est vu pour les miracles de la Salette et de Lourdes. — Une des manières les plus ordinaires dont se forme la légende miraculeuse est celle-ci. Un saint personnage passe pour faire des guérisons. On lui amène un malade, qui, par suite de l’émotion, se trouve soulagé. Le lendemain, on répète à dix lieues à la ronde qu’il y a eu miracle. Le malade meurt cinq ou six jours après ; personne n’en parle, si bien que, à l’heure où l’on enterre le défunt, on raconte avec admiration sa guérison à quarante lieues de là. — Le mot prêté au philosophe grec devant les ex-voto de Samothrace (Diog. Laërte, VI, II, 59) est aussi d’une parfaite justesse.
  2. Un phénomène de ce genre, et des plus frappants, se passe chaque année à Jérusalem. Les grecs orthodoxes prétendent que le feu qui s’allume spontanément au saint sépulcre le samedi saint de leur Pâque efface les péchés de ceux qui le promènent sur leur figure, et ne brûle pas. Des milliers de pèlerins en font l’expérience et savent fort bien que ce feu brûle (les contorsions qu’ils font, jointes à l’odeur, le prouvent suffisamment). Néanmoins, il ne s’est jamais trouvé personne pour contredire la croyance de l’Église orthodoxe. Ce serait avouer qu’on a manqué de foi, qu’on a été indigne du miracle, et reconnaître, ô ciel ! que les latins sont la vraie Église ; car ce miracle est tenu des grecs pour la meilleure preuve que leur Église est la seule bonne.
  3. Affaire de la Salette, devant le tribunal civil de Grenoble (arrêt du 2 mai 1855), et devant la cour de Grenoble (arrêt du