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vous, et se fait connaître en s’évanouissant[1]. Le manque absolu de rigueur scientifique dans l’esprit des nouveaux croyants faisait qu’on ne se posait aucune question sur la nature de son existence. On se le représentait comme impassible, doué d’un corps subtil, traversant les cloisons opaques, tantôt visible, tantôt invisible, mais toujours vivant. Quelquefois, on pensait que son corps n’avait aucune matière, qu’il était une pure ombre ou apparence[2]. D’autres fois, on lui prêtait de la matérialité, de la chair, des os ; par un scrupule naïf, et comme si l’hallucination eût voulu se précautionner contre elle-même, on le faisait boire, manger ; on voulait qu’il se fût laissé palper[3]. Les idées flottaient sur ce point dans le vague le plus complet.

À peine avons-nous songé jusqu’ici à poser une question oiseuse et insoluble. Pendant que Jésus ressuscitait de la vraie manière, c’est-à-dire dans le cœur de ceux qui l’aimaient, pendant que la conviction inébranlable des apôtres se formait et que la foi du monde se préparait, en quel endroit les

  1. Luc, xxiv, 31.
  2. Jean, xx, 19, 26.
  3. Matth., xxviii, 9 ; Luc, xxiv, 37 et suiv. ; Jean, xx, 27 et suiv. ; xxi, 5 et suiv. ; Évangile des Hébreux, dans saint Ignace, épitre aux Smyrniens, 3, et dans saint Jérôme, De viris illustribus, 16.