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La terre alors est parsemée d’anémones rouges, qui sont probablement ces « lis des champs » dont Jésus aimait à tirer ses comparaisons. À chaque pas, on retrouvait ses paroles, comme attachées aux mille accidents du chemin. Voici l’arbre, la fleur, la semence, dont il prit sa parabole ; voici la colline où il tint ses plus touchants discours ; voici la barque où il enseigna. C’était comme un beau rêve recommencé, comme une illusion évanouie puis retrouvée. L’enchantement sembla renaître. Le doux « royaume de Dieu » galiléen reprit son cours. Cet air transparent, ces matinées sur la rive ou sur la montagne, ces nuits passées sur le lac en gardant les filets, se retrouvèrent pleines de visions. Ils le voyaient partout où ils avaient vécu avec lui. Sans doute, ce n’était pas la joie de la jouissance à toute heure. Parfois le lac devait leur paraître bien solitaire. Mais le grand amour se contente de peu de chose. Si tous tant que nous sommes, une fois par an, à la dérobée, durant un instant assez long pour échanger deux paroles, nous pouvions revoir les personnes aimées que nous avons perdues, la mort ne serait plus la mort !

Tel était l’état d’âme de la troupe fidèle, dans cette courte période où le christianisme sembla revenir un moment à son berceau pour lui dire un éter-