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habite leur cœur pendant leur vie ; après cela, ils s’en vont chez les morts. Or cela vaut-il mieux ? Non. Les vivants au moins ont l’espoir. Un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort. Les vivants savent qu’ils mourront tandis que les morts ne savent rien. Pour eux, plus de récompense, car leur mémoire est oubliée. Leurs amours, leurs haines, leurs rivalités ont péri depuis longtemps, et il n’y a plus désormais de part pour eux en tout ce qui se fait sous le soleil.

Or sus donc ! mange ton pain en liesse, bois ton vin en bonne humeur, puisque Dieu a fait prospérer tes affaires. Que toujours tes habits soient blancs, que les parfums ne cessent de couler sur ta tête. Savoure la vie avec la femme que tu aimes, tous les jours de ce court passage que Dieu t’a donné d’accomplir sous le soleil, tous les jours, dis-je, de ta frivole existence ; car voilà ton vrai lot, le prix des peines que tu t’es données sous le soleil.

Toute affaire qui se présente à la portée de ta main, fais-la vite ; car il n’y aura ni activité, ni pensée, ni savoir, ni sagesse dans le scheol vers lequel se dirigent tous tes pas.