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certaine maintenant du rôle joué par l’Américain, elle se disait, en relisant le billet si heureusement trouvé par Kervan :

— Quel est ce Pierre qui doit partir avec les lettres de Mme de Rennepont ? À tout prix, il faut que je le découvre. Ah ! vous voulez la guerre, docteur ! Eh bien ! soit ! À nous deux !


XIII

Anges et démons.



Conduit de chez lui à la Préfecture de police, M. de Serville ne comparut pas devant Raoul Rigault, mais tout simplement devant un de ses secrétaires.

Lorsqu’il se vit en présence d’un jeune homme imberbe, à la physionomie fine, intelligente, gouailleuse, il ne s’imagina pas un seul instant qu’il y eût rien de grave dans son arrestation, et il dut croire forcément qu’elle n’était que le résultat d’une erreur, dont le fonctionnaire de la Commune allait aussitôt s’excuser.

Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il l’entendit au contraire lui demander sèchement son nom et sa profession !

— Vous devez me connaître, répondit-il en s’efforçant de se rendre maître de son indignation, puisque le mandat d’amener qui a été mis sous vos yeux est signé : Raoul Rigault.

— C’est possible que je vous connaisse, riposta l’étrange secrétaire, mais si je vous interroge, c’est que j’ai mes raisons pour cela !

Armand eut d’abord l’idée de tourner le dos à son interlocuteur, tant il lui semblait indigne d’un homme tel que lui de discuter avec un personnage qui semblait si peu sérieux ; mais en pensant à Mme de Rennepont, il se contint encore et répondit :

— Armand de Serville, peintre, 124, rue d’Assas.

— Vous êtes décoré, sans doute par l’ex-empereur ?

— Je suis décoré parce que je me suis battu contre les ennemis de la France ; parce que, à l’affaire du Bourget, j’ai reçu une blessure qui m’a retenu deux mois au lit. Comme je suppose, en tout cas, que je n’ai pas été arrêté parce que je suis chevalier de la Légion d’honneur, je vous serai obligé de m’instruire des motifs de cet acte arbitraire.