Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/526

Cette page a été validée par deux contributeurs.

XII

Châtiment.



À ce moment même, à peu près, M. de Serville entrait avec la blessée dans la pharmacie du faubourg Saint-Honoré où il l’avait fait porter.

La comédienne respirait encore, mais elle rendait par la bouche des flots de sang et paraissait ne plus avoir que quelques instants à vivre.

En attendant le médecin qu’un de ses aides était allé demander à l’ambulance voisine, le pharmacien avait étendu la malheureuse sur un matelas, dans son laboratoire, et il lui donnait les premiers soins.

Agenouillé près d’elle, son ancien amant suivait d’un regard effrayé les progrès de l’agonie douloureuse de cette femme de vingt-cinq ans à peine, qu’un terrible mais trop juste châtiment était venu si brusquement atteindre.

Il ne voulait pas croire qu’elle pût mourir ainsi.

Malgré les fautes et le crime de celle qui l’avait si indignement trompé, malgré toutes les douleurs qu’elle lui avait causées, Armand sentait son cœur s’ouvrir à la pitié.

Les yeux fixés sur ce visage décomposé, dont l’expression était toute de torture et d’épouvante, il se rappelait ces jours heureux d’autrefois où il avait cru à l’amour et à la pureté de Sarah, et en comparant ce passé de bonheur à ce présent sinistre, il restait épouvanté de cette route fatale que sa maîtresse infidèle avait si rapidement parcourue.

L’arrivée du docteur l’arracha à ces pénibles pensées.

Il se releva pour lui faire place.

Le praticien se pencha sur la jeune femme, mit à nu sa poitrine, examina longuement la plaie qu’elle avait au-dessus du sein droit, sonda la blessure, entrouvrit ses paupières à demi fermées, l’ausculta ; puis, ces opérations faites au milieu d’un silence lugubre que troublaient seuls les gémissements étouffés de Sarah, il se releva et dit à voix basse au peintre :

— Le mal est sans remède, monsieur ; le projectile a traversé le poumon et a dû se loger dans la colonne vertébrale. L’extraction est à peu près impossible. Ce serait, pour la blessée une souffrance inutile ; vous n’avez que le temps de faire appeler un prêtre. Pardonnez-moi de m’exprimer ainsi, mais il est de mon devoir de ne pas vous cacher la vérité.

— Merci, docteur ! merci ! balbutia M. de Serville profondément ému.