Page:René de Pont-Jest - Sang-Maudit.djvu/317

Cette page a été validée par deux contributeurs.

VII

Pierre Méral devient plagiaire, et Marius Pergous retrouve, sans s’y attendre, une vieille connaissance.



L’inflammable Marius était prisonnier depuis quatre ou cinq jours, ainsi que nous venons de le dire, et il cherchait vainement à s’expliquer les causes de cette détention d’autant plus singulière qu’on ne lui posait aucune condition pour y mettre un terme, lorsque son geôlier lui répondit un matin, à propos du menu fort, modeste qu’il lui faisait pour son déjeuner :

— Toujours à vos ordres, cher monsieur ; seulement je n’ai plus le sou.

— Ah ! fit l’ex-avoué ; eh bien ! prenez de mon argent.

— De votre argent ! aimable monsieur Pergous, mais c’est votre argent dont il ne me reste plus rien. Est-ce que vous pensiez que nous vous nourrissions gratis ? Il n’y a que l’État qui se conduise ainsi avec ses pensionnaires. Oh ! mes comptes sont en règle, voyez vous-même.

Pierre présentait à son hôte forcé, sur une immense feuille de papier, une note qui faisait moins d’honneur à son talent de calligraphie qu’à son aptitude pour la multiplication.

Les moindres denrées y étaient cotées à des prix fabuleux : les œufs, vingt francs la douzaine ; les côtelettes, trois francs chacune ; le vin, dix francs la bouteille. De plus, depuis quatre jours, l’amoureux de Clarisse se trouvait avoir dévoré de quoi nourrir dix personnes.

Aussi, perdant patience au premier examen de cet étrange mémoire, s’écria-t-il :

— Est-ce que vous vous moquez de moi ? Est-ce que j’ai mangé et bu tout cela ?

— Et nous, cher monsieur, nous, répondit le bossu en souriant, devons-nous donc mourir de faim ? Mon Dieu, ce n’est pas pour moi que je parle, un rien me suffit, surtout en ce moment que le devoir me retient près de vous, c’est-à-dire loin d’une jeune et jolie personne que j’aime et qui m’adore ; mais mon ami, qui n’a pas de peines de cœur, est une superbe fourchette. Et un verre ; ah ! cher monsieur, quel verre !

— Tout cela est d’un prix stupide.

— Je reconnais que c’est un peu cher ; mais vous ne vous imaginez pas combien